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Page:Glaser - Le Mouvement littéraire 1912.djvu/200

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186 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

cipes de la jeune fille bien élevée Font sauvée et elle s'est résolue à ne plus faire d'elle qu'un « instrument utile au bien des siens; elle a savouré une certaine joie dans cet oubli de soi-même, dans cet adieu définitif à tous ces désirs personnels et cette joie qui l'a transfi- gurée a fait dire autour d'elle : « Sans doute elle a trouvé le bonheur, elle aime, elle est aimée » et sans doute aussi elle a goûté avec quelque amertume l'ironie d'une telle supposition.

Tel est le sort de la jeune femme qui fut une fille bien élevée. Et la mal élevée? L'aventure de Pipette qui côtoie l'histoire de Madeleine nous montre que sa des- tinée plus lyrique n'est guère plus brillante. Cette pau- vre petite fille, trop gaie pour être heureuse, a esquivé le mariage ridicule que méditaient ses frivoles parents et elle meurt à vingt ans aux bains de mer, noyée par accident, — un accident dont Juillet le séducteur, qui n'a pas voulu comprendre l'amour de cette petite, doit percer le mystère et garder, sans doute, le remords.

Alors? Alors, la vie n'est pas gaie et le romancier dont l'action propre est, selon M. Boylesve, « une invi- tation à réfléchir sur la vie, longuement, profondément s'il se peut, et fût-ce avec amertume et difficulté », n'est pas un optimiste ou du moins il n'incline pas son lec- teur à l'optimisme, car M. René Boylesve ne tire pas de conclusions; il possède le grand art de rester silencieux derrière ses personnages. Ainsi, son livre est un beau roman, très vivant, trèshumain, d'un intérêt poignant, d'une merveilleuse pénétration psychologique, et si une leçon de philosophie et de morale s'en dégage, c'est parce que son lecteur, impressionné profondément, en a ainsi décidé.