334 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE
La maison de La Villette où se déroule le drame est évoquée avec tous ses locataires et sur tous ses paliers comme celle de Pot-Bouille, et les sombres jésuites qui le traversent nous font penser au Juif-Errant, avec l'as- sentiment de l'auteur qui a baptisé Ronin certain pape- tier affilié à la Compagnie de Jésus.
Est-ce à dire que Le Sang de Paris doive quelque chose à Zola ou à Eugène Sue? Non, certes, et M. Char- les-Henry Hirsch ne fut jamais plus puissamment ori- ginal et personnel, mais ces noms cités vous donneront une idée de l'importance, de la complexité de ce roman, — et aussi de l'embarras du chroniqueur qui a lu ces six cents pages, qui a vécu ces drames, qui a connu ces héros et qui doit maintenant vous parler de tout cela en quarante lignes.
Comment me débrouillerai-je au milieu de tous ces gens qui habitent les misérables logements de la maison où la pauvre M"^^ Lebain vient de mourir, laissant ses six enfants à son mari désespéré et à son aînée la petite Alice; où M"^^ Gibet, la sage-femme, exerce une dou- teuse industrie; où Gratien Jaclaude, le poète génial et alcoolique, agonise lentement ; où Mitoux, le jésuite laïc, pratique dans sa chambre, asile abstrait battu des vagues mystiques, les utiles pénitences; où potinent, caquettent, et voisinent dans la fraternité hostile des cités de faubourg, tous les autres locataires et aussi la concierge; — comment sans les trahir, vous dirai-je les aventures de tant d'autres gens mêlés au drame, de la sœur de M^^ Lebain, devenue sous le nom de Denyse de Ligneux une courtisane de grande allure, et de ses amis le vicomte de Forcerie « camelot du roi », et Gha- nus, l'illustre professeur...
Heureusement, au milieu de tant d'aventures, entre tant de personnages, une figure apparaît qui domine tout le drame, et qui nous permettra de dégager la pen- sée du romancier; c'est celle d'Alice Lebain, une petite bonne femme de treize ans dont la mort de M^^ Lebain