Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/308

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De ces spectres que l’aube atrophie et menace ?
Seigneur ! quand je vous vis, moi, libraire au Parnasse,
Vous étiez le Gautier héroïque et puissant,
Le maître chevelu, le lion rugissant ;
Vous n’aviez, ô Gautier ! qu’à publier un livre
Pour que dans tous les rangs de la presse on fût ivre.
Baudelaire chantait votre nom ; Saint-Victor
Admirait votre front de Jupiter Stator ;
Banville vous jetait des roses au passage ;
Vous étiez l’impeccable et le souverain sage ;
Même les gens obscurs qu’épouvantent les vers,
Les Veuillot, les Magnard, tous ces êtres pervers
Devant vous refermaient en grognant leur mâchoire ;
Tant vous apparaissiez comme dans une gloire.
Hugo planant, superbe, auguste et radieux.
Dans l’azur idéal où sont les demi-dieux,
Vous étiez le premier de tous. Votre bannière
Faisait rentrer les vieux d’à côté dans l’ornière.
Ah ! vous étiez vraiment un Gautier flamboyant ;
Et qui vous avait vu s’en revenait ayant
La joie au cœur et prêt à braver les tempêtes. »
Gautier dit : « Je n’étais là que chez les poètes.

— Mais, fit Lemerre, quoi ? Que s’est-il donc passé ?
J’arrive et je vous vois tout roide et compassé,
Parlant bas, tout de noir habillé, l’air timide
D’un enfant qui revêt sa première chlamyde,
Faisant rimer tambour avec gouvernement,
Vous dont la rime avait l’éclair du diamant !