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NOTRE GRACIEUSE SOUVERAINE


La connaître nous apprend à l’aimer. Elle naquit en un château séculaire, du style « Reine Anne » dans les vallons Hertforshire, en Écosse. Dernière fille d’une famille de dix enfants, du quatorzième comte et de la comtesse Strathmore et de Kinghorne, de la plus ancienne et de la plus pure noblesse écossaise.

À dix ans, elle parlait sa langue et la nôtre avec une semblable perfection. André Maurois a relaté sur elle qui était alors princesse d’York, un touchant incident qui lui fut raconté par le Maréchal Lyautey après l’Exposition coloniale tenue à Paris sous la direction du héros du Maroc. Le duc et la duchesse d’York y représentaient la Grande-Bretagne.

Dans le plus pur français, la future Reine demande au maréchal de les recevoir dans la cordialité d’une salle de thé dont l’aspect l’avait charmée. Son désir exprimé avec une grâce charmante fit la conquête immédiate de Lyautey et les princes d’Angleterre entourèrent le grand soldat d’Afrique.

Alors la princesse lui fit maints compliments s’attachant â un fait de la carrière du fameux chef colonial, et avec un doigté, un charme, une grâce unique. Elle évoquait pour lui cette radieuse fille de Savoie, duchesse de Bourgogne et dauphine de France, que les chroniques de S.-Simon ont révélée dans son éclatante personnalité à la rendre inoubliable. Tout-à-coup, Elisabeth d’York se tournant vers Lyautey lui demanda avec ferveur : « Maréchal, j’ai une faveur à vous demander et n’est-ce pas que vous allez me l’accorder ? » Lyautey qui aurait voulu mettre le monde aux pieds de cette princesse exquise dont le charme l’enchantait, se sentit néanmoins pincé d’une extrême inquiétude. Il fit malgré tout bonne contenance, s’inclina et dit simplement : « À vos ordres, Altesse. »

Alors de plus en plus gentille et éblouissante, Elisabeth, telle une petite fille câline, implora : « Le soleil est entre nous et me brûle les yeux, m’empêchant de vous voir. Dites-lui de s’en aller. Il sait qu’à vous rien ne résiste. Il vous obéira. » À cet instant précis un gros nuage enveloppa le soleil et les yeux rieurs de cette nouvelle duchesse de Bourgogne, se fixant larges ouverts sur Lyautey, elle dit avec la plus spirituelle simplicité : « Merci, maréchal. »

Lorsque les mains patriciennes de la douce et spirituelle Reine de notre Canada se seront posées sur ces « Portraits de femmes », elle aura tout de suite le désir de connaître les femmes de son royaume. Et en lisant les souffrances, les privations, les sacrifices accomplis pour rester françaises dans un pays anglais, fidèles à leurs souvenirs et à l’Empire, mais gardant éperdument en leur âme la fierté et la joie d’avoir conservé le souvenir de leurs aïeux, traduisant leurs sentiments par ces mots d’une femme de la lignée de Madeleine de Verchères : « Nos cœurs restent à la France, mais notre fidélité et nos bras sont â l’Angleterre et garants de l’honneur canadien. »

Pour vous défendre, ô notre Souveraine, il y aura toujours notre indéfectible fidélité, ce bouclier invincible de nos amours et de nos respects.


En Province de Québec — Canada