Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/44

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brûlantes de ce petit monstre, la plus jolie, la plus spirituelle, la plus séduisante des filles de la Résidence.

Il en éprouva d’abord l’étonnement le plus prodigieux. Il refusa à y croire. Il chercha à fuir l’enchanteresse, mais la chose était difficile puisqu’il lui fallait passer sa vie dans la maison. Il aurait dû, peut-être, prévenir la Comtesse; mais il était si doux, si poli, si éloigné de tout ce qui ressemble à des violences qu’il lui eût été, dans tous les cas, fort difficile d’aborder une pareille démarche dont les conséquences l’épouvantaient. Epouvanté, il le fut bientôt plus encore quand aux attendrissements, aux regards profonds succédèrent des scènes pathétiques, et des menaces violentes de se tuer. Un soir, la comtesse qui avait dû rester très tard à la cour, à cause d’une réception d’un prince voyageur, rentra sans défiance et toutes les infortunes du monde étaient consommées. Frédéric s’était indignement conduit, son désespoir était sans bornes, il se condamnait sans ménagements; il comprenait très bien, trop bien, que ce n’était pas une excuse que de mettre au défi tous les patriarches de l’Ancien Testament et notamment le plus convenable de tous, d’avoir pu affronter une pareille aventure; le fait est qu’il avait tort. Mais s’il avait tort, impossible d’en revenir et, la faute commise, le remords; au lieu d’étouffer l’amour, donna des forces à ce qui n’avait presque pas même été une fantaisie, et si bien qu’il devint passionnément épris de l’ange de ténèbres dont la griffe tenait son cœur.