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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/185

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épreuve pût s’adresser à moi. Enfin, Wilfrid, vous le voulez ? Vous le voulez avec une force que vous ne me montrez que trop ?

— Assurément, je le veux.

— Eh bien ! ne m’accusez jamais d’avoir cédé ! Seulement, je ne quitterai pas mon père ; que deviendrait-il ? Il ne peut tout seul retourner en Asie. Il faut lui laisser le temps d’arranger ses affaires, d’obtenir une pension.

— Tout ceci tend à des détours ; mais, si je m’insurgeais trop, vous diriez… Que ne diriez-vous pas ? Soit, vous voulez attendre encore ? Attendons ! Combien de mois ?

— Le sais-je ?

— Bien ! Je m’occuperai des affaires de votre père, et, ce point terminé, tout sera-t-il en règle ?

— Nous verrons ! répondit Harriet en souriant ; vous n’êtes pas devenu beaucoup plus raisonnable que vous ne l’étiez à Bagdad.

— Non ; mais, par un phénomène singulier, je suis devenu beaucoup moins patient. Au moins, vous avez cédé, de bonne foi, n’est-ce pas, sinon de bonne grâce ?

Harriet lui tendit son front et lui serra la main ; tout fut dit.

Dans ce moment, Coxe entra. Il était dans une des dispositions les plus agréables où un homme puisse se trouver. Il venait d’admirer de fort beaux tableaux et avait mesuré avec soin les proportions d’une statue antique ; de plus, il avait lu les journaux et même le Times. Le jeu de ses facultés était en parfait état. Au moment où il ouvrit la porte, convaincu de trouver sa fille seule, et tout prêt à lui raconter les joies de sa journée, il aperçut Wilfrid,