Aller au contenu

Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habillé, il sortit de sa chambre et chercha l’hôte. Après un entretien de quelques instants avec lui, il entra chez Lucie.

— Ma chère, lui dit-il, voilà quelque chose d’assez curieux et peut-être d’assez triste. Vous rappelez-vous la comtesse Tonska ?

— Pas le moins du monde, répondit Lucie.

— Comment ! vous ne vous rappelez pas qu’il y a deux ans, nous sommes allés au bal chez elle, à Paris ? Elle occupait un délicieux appartement dans l’avenue de l’Impératrice. Votre tante, madame de Lanlay, nous avait présentés.

— Ah ! oui, je me souviens maintenant. Eh bien ?

— Eh bien, la comtesse Tonska est arrivée ici cette nuit. Elle a d’abord demandé s’il y avait quelque lettre pour elle. On lui en a remis une venant du Caucase et qui avait été la chercher à Burbach, d’où on la lui avait renvoyée à cet hôtel. Elle l’a ouverte précipitamment, et, après l’avoir parcourue des yeux, elle est tombée évanouie et a eu des convulsions. Depuis ce moment, la fièvre l’a prise ; on la dit fort mal.

— Pauvre femme ! répondit Lucie. Elle avait de bien belles dentelles.

— Ne pensez-vous pas, reprit Henry, que nous pourrions lui donner quelque marque de sympathie ? Elle a été fort polie pour nous, et je crois même me rappeler qu’après son bal, vous avez échangé des visites.

— Elle est venue chez moi et ne m’a point trouvée. Je l’ai aperçue aux courses. Que voulez-vous que nous lui disions ?

— Je ne sais, il y a peut-être ici du bien à faire.

— Mais, mon ami, réfléchissez ; je vous l’avoue, je