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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/218

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CHAPITRE NEUVIÈME

Le lendemain de ces confidences prolongées jusqu’à trois heures du matin, et qui avaient mis Lucie dans un état nerveux très-nouveau pour elle, Henry eut son tour. Madame Tonska pria la jeune femme de la laisser seule avec M. de Gennevilliers, afin qu’elle pût prendre les dispositions dernières et indispensables avant d’entrer en religion. Rien n’était plus naturel, de sorte que, vers minuit, la comtesse, s’étant réveillée d’une sorte de léthargie, dans laquelle elle était restée plongée depuis trois heures de l’après-midi, et ayant consenti à prendre un bouillon, se déclara de nouveau assez forte pour être maîtresse de ses idées, et fit asseoir Henry, avec du papier, une plume et de l’encre, à côté de son lit, d’où il lui avait été impossible de sortir.

Pour débuter, elle remercia M. de Gennevilliers de l’affection imméritée dont elle se voyait l’objet de sa part et de celle de sa femme, et, à cette occasion, elle exprima toute sa reconnaissance, avec la façon charmante, touchante et flatteuse qui lui était familière ; elle émut fortement son interlocuteur, et se mit à parler de Lucie. Ce fut le tendre abandon et l’insistance d’une sœur, presque d’une mère. Elle s’étonna qu’une fleur aussi fraîche, aussi pure, aussi délicieuse eût pu s’épanouir au