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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/271

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inconnus qui le regardèrent avec surprise. Il passa et retourna chez lui machinalement.

En entrant dans sa chambre, il trouva une lettre. Elle était de Sophie et datée de onze heures du soir.

« Je ne suis pas allée au théâtre. J’ai eu tort avec vous. Je m’en repens. Venez demain matin. Si je n’ai pas d’amour, j’ai du moins beaucoup de tendresse. Ne soyez pas malheureux, venez !

« S. »

Tous les fantômes s’évanouirent. Il y a de tels hommes, pas beaucoup, heureusement, dont l’existence est comme un fil terminé par un crochet. Ce crochet s’attache aux mains d’une femme ; ils vivent et ils meurent selon ce qu’elle décide.

Sophie dit au pauvre Conrad :

— Comprenez bien les choses, et aidez-moi. Je n’ai jamais aimé ; on m’a dit que j’en étais incapable ; je le crois. Ce n’est pas pour vous, c’est pour moi que je tente cette épreuve de renoncer à mes habitudes. Si je peux vivre à côté de vous, être à votre égard une amie utile, ferme, désintéressée, je serai sauvée, je le crois, et la bonne partie de moi-même, comme vous le dites, prendra la haute main sur la mauvaise. Mais, Conrad, il ne faut pas s’attendre à ce qu’une pareille transformation s’achève en un jour. Je vous causerai souvent des chagrins, et, je vous le déclare, peut-être, à la fin, serai-je forcée de vous quitter, reconnaissant l’impossibilité de réussir. Soyez patient, soyez indulgent ; pensez que chaque fois que je serai dure pour vous, c’est que je le serai pour moi. Je vous ai préféré au prince ; n’est-ce pas quelque