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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/288

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CHAPITRE CINQUIÈME

Le duc Guillaume de Wœrbeck était oncle du prince régnant et frère aîné de son père. Sa naissance l’avait désigné pour porter la couronne, et il avait été considéré comme prince héréditaire pendant la plus grande partie du règne du feu souverain. Cependant, longtemps avant la vacance du trône, il s’était voulu dépouiller de son avantage d’aînesse en faveur du cadet. Jamais il n’avait consenti à donner au public d’autres explications à cet égard que son peu de goût pour le gouvernement ; mais la vérité était autre.

Il aimait tendrement son frère et avait remarqué à plusieurs reprises à quel point celui-ci éprouvait les souffrances d’une ambition contrariée. À peine le puîné, Jean-Philippe, avait-il atteint l’âge de comprendre la différence existant entre le prince héréditaire et lui, qu’il en avait éprouvé un chagrin violent. Dans l’enfance il pleurait, plus tard il devint hargneux. Guillaume, tout différent, ressentait peu le bonheur de son privilége. Il prit pitié de Jean-Philippe, et soumit à son père l’intention de ne jamais régner. Le prince se montra, au premier abord, très-peu favorable à un tel projet.

— Vous ne connaissez pas votre frère, lui dit-il, vous le jugez à travers les brouillards d’une affection exagérée. Je n’affirme pas qu’il soit méchant ; mais, au point de vue