Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/102

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réfléchir et comprendre qu’il se passait quelque chose qui méritait son attention.

À la mairie, elle devina, à ce qu’il paraît, ce qu’on lui disait et toute la portée des paroles, car elle devint blanche comme sa robe. Quand le magistrat lui demanda le oui sacramentel, elle avait la tête baissée et ne répondit rien ; mais on n’y prit pas garde, et la cérémonie s’acheva.

À l’église, on la soutenait pour la faire marcher, le comte était fort gai et poli. Il avait désormais toute assurance de n’avoir pas perdu sa peine ; et il fut jugé galant homme par les promesses qu’il fit à Mme Irnois de considérer comme il fallait l’état de souffrance de sa fille.

Le moment de la séparation fut assez pénible. Comme je l’ai dit, Emmelina comprenait ce qui avait lieu et en ressentait profondément l’ébranlement, mais elle ne dit rien. On lui trouva beaucoup de fièvre, et M. Cabarot fit promptement venir un médecin. L’homme de l’art se montra surpris qu’on eût marié une fille ainsi conformée et qu’on eût choisi surtout un moment où elle était visiblement en proie à une réelle souffrance.

On coucha la mariée, et une garde-malade s’installa à côté d’elle.

Le lendemain, en se réveillant à demi de la torpeur dans laquelle elle avait été comme ensevelie, Emmelina appela Jeanne. Ce fut une figure inconnue qui se présenta. Ainsi tout était chagrin pour une âme qui n’avait pas besoin d’être violemment secouée pour être anéantie.

Emmelina voulut se lever. On se récriait. Elle insista en pleurant. Enfin l’on céda, et à demi habillée, elle se