Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/22

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pas moins véritable. Qu’on se souvienne en la lisant qu’Irnois était destiné à devenir le favori de la fortune.

Comme il avait gagné quelque petit argent dans sa gestion, il avait acheté un pauvre cheval gris dont il comptait se défaire à l’arrivée.

Un matin qu’il était parti de fort bonne heure de sa couchée, il arriva au rond-point d’un grand bois vers le moment où l’aube commençait à poindre. C’était au mois d’octobre, le temps était brumeux, le jour fort terne, et, enveloppé dans sa cape, son chapeau sur les yeux, Irnois était loin d’avoir chaud. Par conséquent, son âme, peu virile d’ordinaire, n’avait pas grande fermeté.

Que devint donc l’ex-commis, parvenu au débouché du rond-point, lorsqu’il vit à l’entrée de l’avenue qui lui faisait face, et par laquelle il devait absolument passer, un groupe d’hommes à cheval !

Irnois n’hésita pas en sa pensée ; il les reconnut pour voleurs, et qui plus est, voleurs de grand chemin. Il songea à fuir ; mais s’il tournait les talons, ces misérables allaient sans doute mettre d’horribles mousquets en état et le cribler de balles ! Il frissonna d’horreur et resta planté sur sa selle, son cheval retenu fermement.

Les cavaliers placés de l’autre côté du rond-point, le voyant ainsi immobile, attendirent quelque temps, en l’observant, mais comme il ne bougeait pas (il n’aurait pas remué pour un empire), ils prirent leur parti après un colloque animé, et un d’entre eux s’avança vers Irnois. Celui-ci se crut à sa dernière heure et allait tirer sa bourse pour la donner, lorsque le cavalier mettant son chapeau à la