Aller au contenu

Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

être, qu’elle fût très loin de pouvoir l’analyser, elle en restait mal à l’aise, elle en restait malheureuse ; elle aspirait à ce bien inconnu que les dieux de la jeunesse, le blond Vertumne et la fraîche Pomone dispensent en souriant ; mais elle y aspirait avec souffrance, et volontiers aurait éprouvé le désir de mourir, si elle eût su se poser à elle-même une question.

Néanmoins, sa tristesse devenait tous les jours plus profonde. Une cause extérieure était venue donner à cette âme déshéritée plus de souffrance avec plus de vie. Tout à l’heure nous en parlerons en détail.

Emmelina avait renoncé à chercher protection sur les genoux maternels ; elle préférait maintenant passer sa journée à une fenêtre de sa chambre qui donnait sur la cour, et ne voulait plus guère aller dans le salon. Par une singularité qui étonnait tout le monde, elle sembla pendant quelque temps avoir plus de force et de santé qu’on ne lui en avait jamais vu.

Ses joues avaient même eu pendant quelques jours une teinte rosée qui avait paru aux yeux charmés de toute la maison réaliser l’idéal des doigts de l’Aurore. Pourtant, elle ne voulait plus sortir de sa chambre, et, dans sa chambre, n’aimait que le coin de la fenêtre choisie.

La si douce Emmelina, bientôt, alla plus loin encore ; chose inouïe ! elle eut une volonté ; elle prétendit rester seule ; elle renvoya mère, bonne et tantes sans pitié, et un jour, qu’inquiète d’innovations si étranges, Mme Irnois essayait quelques observations timides, Emmelina, prodige effrayant ! Emmelina frappa du pied et fondit en larmes.