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Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/47

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On n’avait que trois jours devant soi ; la précipitation ne pouvait être trop grande.

La désolation de M. Irnois fut sans bornes, lorsqu’il apprit le soir même qu’à toute force il lui fallait endosser habit brodé, culotte de casimir, bas de soie blancs, souliers à boucles, chapeau à claque, et se faire friser, et s’embrocher d’une épée, et mettre des gants !

Cependant, il se soumit ; et tout en jurant et en se démenant comme une mécanique, il s’abandonna aux soins du malheureux, du trop malheureux artisan chargé de donner des grâces à sa personne.

La maison était sens dessus dessous, et cependant Emmelina ne prenait pas la moindre part aux terribles événements déchaînés autour d’elle. Lorsque la lettre du château avait été montrée par son père à sa mère et à ses tantes, elle était seule dans sa chambre, suivant son usage ; le soir elle entendit parler autour d’elle de ce qui allait advenir ; on lui dit même (ce fut Mlle Catherine) :

— “Tu ne sais pas, Emmelina ? Ton père qui va après-demain à la cour… c’est joli ça, ma petite !”

Emmelina sourit doucement, en regardant qui lui parlait ; mais elle ne répondit pas, et ne parut même avoir compris que médiocrement ce qui lui avait été dit. Sa mère la contempla avec anxiété, puis leva les yeux au ciel en soupirant profondément. Dans ce moment, Mme Irnois ne fut plus la grosse et sotte bourgeoise que nous connaissons, mais une espèce de Niobé, tant il y avait de vraie et profonde douleur dans ce regard lancé vers les régions où l’on va si souvent en vain demander soulagement.