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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/169

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on prêtait à quelqu’autre, et ce fut une explosion de chansons, toutes plus malveillantes et plus audacieusement calomniatrices les unes que les autres, sur toute l’étendue des bazars de la ville. Rien n’égale l’ingratitude du peuple.

Le Ferrash-Bachi prit à part Gambèr-Aly :

— Mon enfant, lui dit-il, tu vois que je suis fort occupé ; il me faut mettre les tentes en bon état pour le voyage, avoir soin que les mulets soient ferrés, et que, enfin, rien ne manque. Je n’ai donc pas le temps de m’occuper de mes propres intérêts. Tiens, voilà un billet de huit tomans qui m’a été souscrit par un des écrivains de l’arsenal, Mirza-Gaffar, lequel demeure sur la place Verte, à gauche, à côté de la mare. Va trouver mon débiteur ; dis-lui que je ne peux pas attendre davantage, parce que je ne sais quand je reviendrai, et que je pars la semaine prochaine. Termine cette petite affaire à ma satisfaction, et tu n’auras pas lieu d’en être fâché.

Là-dessus, il cligna de l’œil d’une manière hautement significative. Gambèr-Aly, enchanté, lui promit de réussir et s’en alla rapidement où son supérieur l’envoyait. Il n’eut aucune peine à découvrir la maison de Mirza-Gaffar, et, s’étant approché, il frappa rudement à la porte. Il avait mis son bonnet de travers et s’était armé de son air le plus délibéré.

Au bout d’une minute, on vint lui ouvrir ; il se trouva en présence d’un petit vieillard qui portait, sur un nez crochu, une immense paire de lunettes.

— Le salut soit sur vous ! dit brusquement Gambèr-Aly.

— Et sur vous le salut, mon aimable enfant ! repartit le vieillard d’une voix mielleuse.

— Est-ce au très-élevé Mirza-Gaffar que je parle ?

— À votre esclave.

— Je viens de la part du Ferrash-Bachi, et j’ai là un billet de huit tomans que Votre Excellence va me payer sur l’heure.

— Assurément. Mais ne me laisserez-vous pas me charmer à l’aspect de votre beauté ? Les anges du ciel ne sont rien en comparaison de