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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/171

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— Je déposerais à vos pieds tous les trésors de la terre et de la mer, si je les possédais, et ne voudrais en rien garder pour moi ; mais je ne les possède pas ! Sur votre tête, sur vos yeux, par pitié pour un misérable vieillard, acceptez les cinq sahabgrans que je vous offre de bon cœur, et veuillez bien dire à Son Excellence le très-élevé Ferrash-Bachi que vous avez vu vous-même ma profonde misère.

— Je soumets une humble requête, interrompit le ferrash. Je ne demande pas mieux que de vous aider et d’obtenir le bénéfice de vos prières ; mais il faut aussi que Votre Excellence soit raisonnable. J’accepterai, pour vous faire plaisir, le cadeau d’un toman dont vous m’honorez ; c’était inutile, mais j’aurais une confusion inexprimable si je vous désobligeais. Ainsi, un toman et n’en parlons plus. Vous me remettrez deux tomans pour mon chef, et je me charge d’arranger l’affaire. Seulement, comme notre homme est assez vif et impétueux, il est à propos que d’ici à huit jours Votre Excellence ne paraisse pas dans sa noble maison. Il pourrait arriver des désagréments.

On discuta une heure, on prit plusieurs tasses de thé, on s’embrassa fort, puis, comme Gambèr-Aly resta inébranlable, l’écrivain de l’arsenal s’exécuta, lui remit un toman pour lui et deux tomans pour son chef, et on se sépara avec les assurances réciproques de la plus parfaite affection.

— Que le salut soit sur vous ! dit Gambèr-Aly au chef des ferrashs.

— C’est bon ! Qu’as-tu obtenu ?

— Excellence, j’ai trouvé ce misérable sur la route, il s’enfuyait ; je l’ai pris au collet, je lui ai reproché son crime, et, malgré des passants qui voulaient s’interposer entre nous, j’ai retourné ses poches et je vous apporte le toman que j’ai trouvé dedans, il n’y avait rien de plus !

— Tu mens !

— Sur votre tête ! sur ma tête ! sur mes yeux ! sur ceux de ma mère, de mon père et de mon grand-père ! Par le livre de Dieu, par le Prophète et tous ses prédécesseurs (que le salut soit sur eux et la bénédiction) ! je ne vous dis que la vérité pure !