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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/174

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petit-fils de chien, bandit, voleur, assassin, pillard, et bien d’autres épithètes que la langue française ne supporterait pas, et surtout ces dernières, sortaient brûlantes de la bouche de ces guerrières. Au milieu de telles éjaculations, une réserve de gamins, en sûreté derrière leurs mères, chantaient à pleine voix des fragments comme celui-ci :

« Le prince de Shyraz, Le prince de Shyraz, C’est un imbécile, C’est un imbécile ; Mais sa mère est une coquine Et sa sœur autant ! »

Pendant quelques minutes, Son Altesse, vivement intéressée, sans doute, par la conversation des seigneurs qui l’entouraient, ne parut pas voir ce qui se passait, ni entendre ce qui se disait, ou plutôt se criait à ses oreilles. À la longue, cependant, il perdit patience et fit un signe au Ferrash-Bachi. Celui-ci donna l’ordre à ses hommes de dissiper le rassemblement à coups de gaules. Chacun s’y porta de tout son cœur, et Gambèr-Aly, frappant comme les autres, entendit une voix, bien connue, qui lui vociférait dans les oreilles :

— Ménage ta mère, mon bijou ! Et fais-nous venir à Téhéran le plus vite possible, ton père et moi, pour partager tes grandeurs !

— S’il plaît à Dieu, il en sera bientôt ainsi ! s’écria Gambèr-Aly avec enthousiasme. Là dessus il tomba à bras raccourcis sur une autre vieille émeutière, et, empoignant un derviche par la barbe, il le secoua vigoureusement. Cet acte de vaillance fit reculer la multitude. Les ferrashs considérèrent plus que jamais leur camarade comme un lion, et voyant le désordre se calmer, ils rejoignirent leur arrière-garde en riant comme des fous.

Le voyage se fit sans encombre. Après deux mois de marche, on arriva à Téhéran, la Demeure de la Souveraineté, suivant l’expression officielle, et les négociations commencèrent entre le Prince et les colonnes de l’État. De part et d’autre, beaucoup de ruses furent