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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/279

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Cachons-nous ! Que sais-je ? Gagnons du temps ! ne nous laissons pas prendre !

— Mais que faire ! s’écria Mohsèn en frappant du pied. Pas une ressource ! et ton père nous poursuit certainement à cette heure ! Il nous trouvera, il va nous trouver ! Où aller ! Que devenir ?

— Oui, où aller ? poursuivit Djemilèh ; moi, je ne sais pas ; mais tu le trouveras, j’en suis sûre ! tu vas le trouver tout à l’heure dans ta tête ; parce que, toi, tu es brave, tu ne trembles devant aucun péril, mon cher, cher Moshèn, et tu sauveras ta femme !

Elle le tenait toujours enserré, seulement sa main droite s’était retirée du cou du jeune homme et lui caressait les yeux et en essuyait les larmes. Soit réaction du mouvement de faiblesse qu’il venait d’éprouver, soit effet de cette magnétique influence que l’amour étend sur ceux dont il est maître, Mohsèn, tout à coup, revint à lui, la clarté rentra dans sa tête, et se dégageant doucement de l’étreinte chérie qui le retenait, il regarda Djemylèh d’un air calme, et, devenant un autre homme, il dit posément :

— Ce quartier est absolument désert et contient bien des ruines. Cherchons un abri momentané, une cave, s’il se peut. Tu vas t’y reposer, y dormir. Ce serait un grand hasard si l’on nous y découvrait. Dans la journée, je tacherai de sortir avec les précautions possibles et d’avoir à manger. À tout prendre, nous pouvons supporter la faim jusqu’à ce soir, et, ayant ainsi douze à quinze heures devant nous, peut-être une idée heureuse nous viendra-t-elle et saurons-nous comment employer la prochaine nuit pour notre salut.

Djemylèh approuva le plan que venait de lui exposer son jeune protecteur, et ils se mirent en route. Ils commencèrent bientôt à entrer dans les décombres. Ils franchirent plusieurs murailles. Quelques serpents et des bêtes venimeuses fuyaient, ça et là, devant eux ; mais ils ne s’en inquiétèrent pas. Ils avaient une impression générale de méfiance et regardaient autour d’eux ; mais ne se doutaient pas qu’ils étaient découverts et ne sentaient pas sur eux les regards de l’espion.

Ils arrivèrent de la sorte jusqu’au caveau où le nayb d’Osman les