Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/163

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dans une douleur qui ne trouvait pas de paroles. Enfin, il fit un effort.

— Tu ne saurais me servir à grand chose, dit-il. Ton bon vouloir est paralysé. Il faut ici une âme libre ; la tienne ne l’est pas. Cependant, tu es bien pur de tout mal ; tu étais celui qu’il me fallait… Tu peux encore quelque chose… Moi, je ne reculerai pas… J’aurai tout… j’aurai ce que je veux !… Mais à quel prix !… Pour toi, tu n’auras rien ! Rien ! Entends-tu ?… Ce n’est pas ma faute ! ce n’est pas la tienne ! Ah ! une femme !… une femme !… Maudites soient les femmes ! C’est la ruine ! c’est le fléau irrésistible ! c’est la perte !… Marchons, pourtant, retournons ! dans un quart d’heure, il serait trop tard !

Comme il achevait ces derniers mots, une voix s’écria à l’entrée de la caverne :

— Viens, Kassem, viens !

Kassem frissonna de tous ses membres. Il lui sembla reconnaître cette voix. Mais l’Indien le saisit avec force, et l’entraînant moitié contraint, lui cria :

— N’écoute pas, ou tout est perdu ! La voix se fit entendre de nouveau.

— Viens, Kassem, viens !

Kassem devint comme fou. Il reconnaissait tout à fait la voix ; mais son vieux maître l’entraînait toujours et lui criait :

— Ne le retourne pas ! n’écoute pas ! Suis-moi !