Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/169

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Il ne faut pas chercher loin les causes d’une situation si triste : des gens moroses et inquiets prétendaient les trouver dans le désordre et l’imprévoyance chronique des époux. Pure calomnie ! L’unique raison, c’était l’indifférence coupable des contemporains pour les gens de naissance et de talent. L’art était dans le marasme, il faut tout dire, et ce marasme tombait droit sur Mirza-Hassan-Khan et sa femme Bibi-Djânèm. Les kalemdans ou encriers peints se vendaient mal ; les coffrets étaient peu demandés ; des concurrents déloyaux et sans le moindre mérite fabriquaient des dessous de miroirs dont ils auraient dû rougir, et n’avaient pas plus de honte de les abandonner à vil prix ; enfin, les reliures de livres passaient de mode. Le peintre, quand il arrêtait sa pensée sur ce déplorable sujet, débordait en paroles amères. Il se considérait comme la dernière et la plus pure gloire de l’école de Shyraz, dont les principes hardiment coloristes lui semblaient supérieurs aux élégantes manières des artistes Ispahanys, et il ne se lassait pas de le proclamer. Personne, à son gré, ne l’égalait… comment ! ne l’égalait, ne l’approchait dans la représentation vivante des oiseaux ; on eût pu cueillir ses iris et ses roses, manger ses noisettes, et quand il se mêlait de représenter des figures, il se surpassait lui-même ! Sans aucun doute, si ce fameux Européen qui a composé autrefois une image d’Hezrêt-è-Mériêm (Son Altesse la Vierge-Marie), tenant sur ses genoux