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l’école. Il faut bien que tout le monde passe par là ; Gambèr-Aly le savait et se résigna. D’abord, il fréquenta l’établissement d’instruction de Moulla-Salèh, dont la boutique était située entre celle d’un boucher et celle d’un tailleur. Une quinzaine d’élèves, filles et garçons, se tenaient là, pressés avec le maître comme des oranges dans un panier, car l’espace était à peine de quelques pieds. On apprenait à lire et à réciter des prières, et, du matin au soir, les environs étaient ahuris par la psalmodie de la bande étudiante. Gambèr-Aly ne resta pas longtemps chez Moulla-Salèh, parce que cet illustre professeur ayant été conducteur de mulets de caravane, avant de se consacrer à l’enseignement public, avait la mauvaise habitude de taper très-fort sur ses élèves, quand ils se laissaient aller à des espiègleries à l’égard des passants, au lieu de donner toute leur attention à ses doctes avis. Gambèr-Aly se plaignit à sa mère, qui fit une irruption chez le professeur, lui jeta à la tête les trois sous qu’elle lui devait pour le mois échu et lui déclara net qu’il ne verrait plus son fils.

Au sortir de cette école, le petit bonhomme passa sur l’établi de Moulla-Iousèf, où il étudia six mois ; après ce temps, l’école ferma, attendu que le maître se fit droguiste et abandonna le turban blanc de la science pour le bonnet de peau de la vie civile. Le troisième instituteur de Gambèr-Aly fut un ancien mousquetaire d’un ancien gouverneur dont la tradition