Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/221

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dû comprendre que, sous l’ombre de la protection souveraine, si miraculeusement étendue sur lui, il ne devait conserver désormais aucune appréhension. Mais il ne vit pas la lumière où elle était. Son esprit fut tellement troublé qu’il supposa les choses les plus absurdes. Il s’imagina que le Roi ne lui parlait ainsi que pour le faire sortir de l’asile, et que l’ordre était donné aux ghoulâms de l’égorger à la porte de la mosquée. Pourquoi, comment se persuada-t-il que son maître, lui-même, condescendrait à se faire le complice des parents de Kérym ? C’était une de ces folies qui naissent dans un cerveau malade. Au lieu de se jeter aux pieds de son sauveur, de le remercier, de le combler de bénédictions, ce qui lui aurait, par-dessus le marché, valu quelque généreuse aumône, il se mit à pousser des cris affreux, à invoquer le Prophète et tous les saints, et à déclarer qu’on pouvait le massacrer où l’on voulait, sur la place même, mais qu’il ne sortirait pas.

Le Roi eut la bonté de raisonner avec lui. Il chercha à le rassurer, lui répéta à plusieurs reprises qu’il n’avait, en vérité, rien à craindre de personne, et que, désormais, sa vie était sauve, il ne parvint pas à le persuader, et alors, naturellement, la Haute Présence s’impatienta, laissa tomber sur Gambèr-Aly un regard terrible et lui dit rudement :

— Meurs donc, fils de chien, puisque tu le veux !

Et là-dessus, la Haute Présence s’en alla, et sa