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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/233

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des cris si aigus, que, de l’aveu de ses amis on n’avait jamais connu dans le monde une femme aussi fidèle et aussi attachée à ses devoirs. Cependant elle rejoignit son fils, et fut charmée de le revoir beau et bien en point. Mais elle ne demeura pas dans le palais parce que, sans qu’on pût s’en expliquer la cause, une personne si accomplie ne plut pas à la princesse. Elle eut donc une maison pour elle seule et la choisit aux environs de la grande mosquée où, bientôt elle conquit la réputation la mieux méritée de dévote hors ligne et très au courant de ce qui se passait dans le quartier. Elle n’a jamais souffert, il faut le dire à sa gloire, qu’un tort du prochain restât ignoré, et, sous le rapport de la publicité la plus étendue donnée à tous les faits et gestes de ses voisins et voisines, elle resta une trompette incomparable.

Au bout de deux ans, la princesse non moins pieuse que Bibi-Djanèm, se sentit le désir de faire le saint pèlerinage de la Mecque, et, en ayant pris la résolution, elle déclara que l’intègre Gambèr-Ali-Khan, serait son mari de voyage. Le mari de voyage est, sans contredit, une des institutions persanes les plus judicieuses. Une femme de qualité, qui va faire une longue route et passer de ville en ville, peut bien sacrifier sa tranquillité et prendre de la peine pour le salut de son âme. Toutefois, elle tient aux convenances, et ne saurait supporter l’idée d’entrer directement en relations avec des muletiers, des marchands, des douaniers, ou