Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/245

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Leïla s’en aperçut. Elle me fit des agaceries auxquelles je restai parfaitement insensible, comme cela devait être, puisque ses sortilèges n’agissaient plus sur moi ; alors, elle se fâcha, Kérym s’en mêla, il s’en suivit une dispute. Je ne sais pas trop ce que je dis ni ce que mon cousin me répondit, mais, tirant mon gama, je voulus lui en donner un bon coup à travers le corps. Il me prévint, et du sien qu’il avait levé, il me fit une entaille à la tête d’où le sang commença à couler abondamment. Aux cris affreux de Leïla, les voisins accoururent et avec eux, la police, de sorte que l’on mettait déjà la main sur le malheureux Kérym pour le conduire en prison, quand je m’écriai :

— En Dieu ! pour Dieu ! et par Dieu ! Ne le touchez pas ! C’est mon cousin, c’est le fils de ma tante ! C’est mon ami et la lumière de mes yeux ! mon sang lui est permis !

J’aimais beaucoup Kérym et infiniment plus que Leïla, et j’aurais été désolé qu’il lui arrivât malheur pour une méchante histoire, que nous étions bien libres, je pense, de débrouiller ensemble. Je parlais avec tant d’éloquence que, bien que le sang me ruisselât sur la figure, tout le monde finit par se calmer : on nous laissa seuls, Kérym banda ma blessure, ainsi que Leïla, nous nous embrassâmes tous les trois, je me couchai et je m’endormis.

Le lendemain, je fus mandé par le ketkhoda ou ma-