Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/256

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sortes de sujets intéressants. Un peu plus loin logeait un boucher, qui nous vendait du mouton excellent ; mais, pour un quartier qu’on lui en payait, je crois bien qu’il y en avait quatre dont la disparition restait pour lui un mystère insondable. Il nous racontait chaque jour avec désespoir les détournements dont il était victime, et, comme nous lui amenions de temps en temps un voleur qui reconnaissait la fraude, restituait l’objet volé, se faisait pardonner, il n’eut jamais l’injustice de nous soupçonner. Je me rappelle encore avec attendrissement un rôtisseur dont les fourneaux exhalaient des parfums dignes du paradis. Il savait une manière de préparer des kébabs, qui était absolument inimitable. Chaque morceau de viande était grillé si à point et si bien saturé des sucs de la feuille de laurier et du thym, que l’on croyait avoir dans la bouche tout le bonheur céleste. Mais, un des grands attraits de notre voisinage, c’était surtout le conteur d’histoires établi dans la cour d’une maison en ruines ; il récitait chaque jour, devant un auditoire pénétré d’admiration et haletant de curiosité, des histoires de fées, de génies, de princes, de princesses, de héros terribles, le tout entremêlé de pièces de vers tellement doux à entendre que l’on en sortait à moitié fou. J’ai passé là bien des heures qui m’ont causé des délices que je ne saurais exprimer.

En somme, il est parfaitement vrai que c’est une vie charmante que celle du corps de garde. Notre