Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/287

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Pour moi, je fus adjugé à un garçon encore très-jeune, qui m’emmena aussitôt chez lui.

Mon maître n’était pas pauvre ; je m’en aperçus en entrant sous sa tente. Cette tente était de l’espèce de celle que l’on nomme alatjyk, faite avec des cloisons et des murs d’osier tressé, recouverts de feutres épais ; le plancher était en bois avec des tapis ; il y avait trois ou quatre coffres peints de toutes sortes de couleurs, un grand lit avec des coussins, et, au milieu de la tente, un poêle, d’où s’exhalait une agréable chaleur. Dans cette charmante habitation, j’aperçus une jeune femme ; elle allaitait un nourrisson. Je la saluai avec respect, c’était certainement ma maîtresse, mais elle ne leva pas les yeux sur moi, et à peine regarda-t-elle son mari. Je vous dirai de suite ce que c’est que les femmes turkomanes. Rien de bien intéressant.

Elle sont laides à faire fuir le diable ; témoin la jeune dame de la tente où j’étais amené, et que j’appris ensuite être une des beautés du pays. Je ne m’en serais guère douté au premier abord. Elle ressemblait à un portefaix de Tébryz. Elle avait des épaules larges et plates, une grosse tête, des petits yeux, des pommettes saillantes, une bouche comme un four de boulanger, le front plat, et sur la poitrine, deux montagnes. J’en ai vu de pires encore. Ces femmes là sont stupides, méchantes, brutales et ne savent que travailler, mais aussi on les fait travailler comme des mules, et on a raison.