Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/311

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naissance, devinant ce qu’il valait, l’avait nommé Mohsèn, le Beau, et c’était de toute justice.

Malheureusement, accompli à ce point quant aux avantages extérieurs, non moins parfait pour les qualités de l’âme, honoré de la plus illustre généalogie, il lui manquait trop : il était pauvre. On venait justement de l’équiper, car il atteignait ses dix-sept ans ; ce n’avait pas été chose aisée. Son père avait fourni le sabre et le bouclier ; un vieux oncle avait donné le fusil, engin médiocre ; Mohsèn ne le regardait qu’avec chagrin et presque avec honte ; le misérable mousquet était à pierre, et plusieurs des camarades du jeune gentilhomme possédaient des fusils anglais admirables et du modèle le plus nouveau. Pourtant mieux valait un tel bâton démodé que rien. D’un cousin il tenait un excellent couteau de trois pieds de long et de quatre pouces de large, pointu comme une aiguille et d’un tel poids qu’un coup bien asséné, suffisait pour détacher un membre. Mohsèn avait passé à sa ceinture cette arme redoutable et ambitionnait, à en mourir, une paire de pistolets. Mais il ne savait aucunement quand et par quel miracle il pourrait jamais entrer en possession d’un tel trésor ; car, encore une fois, l’argent lui manquait de façon cruelle.

Cependant, et il ne le savait pas, il avait, ainsi armé, la mine d’un prince. Son père, quand il parut devant lui, le considéra de la tête aux pieds, sans perdre rien de son air froid et sévère ; mais, à la façon dont il passa