Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/314

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dans la chambre. À la vue de cette énormité, Mohsèn, qui accompagnait son père, ne put contenir son indignation, et n’osant s’en prendre directement à son oncle, il appliqua un vigoureux soufflet au plus jeune de ses cousins, Elèm. Cet accident était d’autant plus à regretter, que jusqu’alors Mohsèn et Elèm avaient éprouvé l’un pour l’autre l’affection la plus vive ; ils ne se quittaient pour ainsi dire pas et c’était, entre ces deux enfants, que se tramaient perpétuellement les rêves de vengeance, qui devaient rendre à leur famille l’éclat d’honneur obscurci par les Mouradzyys d’une façon si déplorable.

Elèm, exaspéré de l’action de son cousin, avait tiré le poignard et fait un mouvement pour se jeter sur lui ; mais les vieillards s’étaient à temps interposés et avaient séparé les champions. Le lendemain une balle venait se loger dans la manche droite des vêtements de Mohsèn. Personne ne s’y trompa ; cette balle sortait du fusil d’Elèm. Six mois se passèrent, et un calme menaçant planait sur les deux habitations qui se touchaient et d’où on se surveillait mutuellement. Les femmes seules avaient encore quelquefois des rencontres ; elles s’injuriaient ; les hommes paraissaient s’éviter. Mohsèn, depuis huit jours, avait résolu de pénétrer chez son oncle et de tuer Elèm ; ses mesures étaient prises en conséquence. Tel était le deuxième dessein qu’il voulait mettre à exécution. Quant à sa troisième idée, la voici. Après avoir tué Elèm et Ab-