Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/345

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à lui seul un si grand nombre d’adversaires. On n’était pas précisément choqué de voir ses ennemis l’assaillir avec des forces disproportionnées ; de semblables délicatesses ne sont ni de tous les temps ni de tous les lieux, et, en général, on conçoit l’utilité de tuer son ennemi comme on peut ; mais Mohsèn était vaillant, on le voyait, on en jouissait, chacun de ses coups d’audace excitait un frémissement d’enthousiasme et de sympathie ; néanmoins, on ne faisait rien pour le tirer du péril, sinon de prononcer tout haut des vœux dont les femmes surtout, garnissant le haut des terrasses, étaient prodigues. À ce moment, parut un jeune homme à cheval.

Son turban bleu, rayé de rouge, était de soie fine et la frange en retombait élégamment sur l’épaule. Il avait une tunique courte de cachemire, serrée à la taille par un ceinturon garni de pierreries, auquel pendait un sabre magnifique et ses pantalons étaient de cendal rouge. Quant aux harnachements de sa monture, vrai turcoman blanc de pure race, ils reluisaient d’or, de turquoises, de perles et d’émaux. Devant ce cavalier, marchaient douze serviteurs militaires, armés de boucliers, de sabres, de poignards, de pistolets et le fusil sur l’épaule. Il s’arrêta brusquement avec ses hommes, pour regarder ce qui se passait et cela lui déplut. Son sourcil se fronça, sa physionomie revêtît une expression arrogante et terrible, et il s’écria d’une voix forte :