Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/381

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mains, ce n’est pas ma faute. Si je ne veux pas et ne peux pas te quitter, ce n’est pas ma faute, non plus. Je n’imagine pas ce que je deviendrais. Il faut que je te suive, il faut que je vive auprès de toi ; le reste n’est rien.

En parlant de la sorte, Lucie se laissa aller sur la poitrine de son mari ; elle prit entre ses mains la tête de celui qu’elle aimait ; elle couvrit son front et ses cheveux de baisers passionnés, et Valerio vaincu lui dit, en lui rendant baisers pour baisers  :

— C’est fini, tu viendras avec moi.

Il importe peu de savoir ici comment et pourquoi Valerio Conti avait appris, cinq jours après son mariage, qu’un dépositaire infidèle lui emportait sa fortune. Il était homme actif, d’esprit, de science et de mérite. Il avait voyagé plusieurs années en Orient, et tout d’abord un de ses amis, lui apprenant son désastre, s’était entremis et lui avait offert de retourner à Constantinople, avec la certitude d’y obtenir un emploi, soit dans cette capitale, soit dans les provinces ottomanes.

Il vendit ce qu’il possédait. Le beau-père, exaspéré d’abord d’avoir un gendre ruiné, puis un gendre qui emmenait sa fille, lui donna peu de choses avec de grandes objurgations de ne jamais lui accorder davantage, et les deux pauvres petits amants, l’un qui avait vingt-six ans et l’autre qui en avait dix-huit, partirent de Naples sur le paquebot, qui s’en allait,