Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/399

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Le muletier sourit.

— J’ai vu des Européens, dit-il, et j’ai toujours remarqué qu’ils sont pressés. Croyez-moi, l’heure de la mort arrive toujours. Vous avez le temps ; ni une minute plus tôt, ni une minute plus tard que le sort ne le veut, nous n’arriverons à Tabryz. Vivez content, croyez-moi, sans vous tourmenter davantage.

— Vous m’avez l’air d’un brave homme, répliqua Valerio, et je crois que vous êtes tel. Je vais donc vous parler à cœur ouvert. J’ai une jeune femme, et je crains que la prolongation des fatigues de la route ne soit une épreuve un peu dure pour elle ; c’est pourquoi je viens me consulter avec vous sur ce qu’il y aurait à faire pour que ma femme souffrît le moins possible. Ensuite, j’ai encore quelque chose à vous demander. Pour mon voyage, j’emporte quelque argent, et, avec tant de monde qu’il y a ici, dans la caravane, je ne suis pas bien aise de l’avoir toujours sur moi ; je crains qu’on ne me le vole.

— C’est ce qui arrivera certainement avant qu’il soit deux jours, répondit le muletier, si vous gardez votre bourse par devers vous. Donnez-la moi. Je paierai vos dépenses en route, et je vous tiendrai compte du surplus, quand nous serons arrivés à notre destination.

Valerio n’avait voulu que provoquer cette offre, et il s’empressa de remettre ce qu’il possédait entre les mains de Kerbelay-Houssein. Celui-ci compta et