Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/444

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tion de reconnaissance. Le pauvre diable jura à l’Européenne un souvenir éternel, et il a tenu parole. Le poëte composa un sonnet, dont la copie fut précieusement conservée. La femme de Redjèb-Aly serra longtemps sa protectrice sur son cœur et celle-ci lui rendit ses embrassements avec une émotion vraie. À ce moment, elle aurait presque souhaité de ne pas partir. Mais la résolution était prise. Kerbelay-Houssein lui donna solennellement sa bénédiction en l’appelant sa fille, et elle passa avec Valerio dans le campement de l’autre caravane.

Un an après, Valerio Conti et sa charmante femme prenaient le thé dans un salon de Berlin. Il y avait là des diplomates, des militaires, des professeurs et des femmes fort spirituelles et aimables. On faisait raconter à la jeune voyageuse ses aventures en Asie, et elle y mettait une verve, un feu, une exaltation qui la rendaient particulièrement charmante.

— Oui, je vous l’assure, disait-elle. Je regrette ce temps comme le meilleur de ma vie. Je suis assurément bien reconnaissante au comte de P. d’avoir fait nommer M. Conti secrétaire à la légation ottomane dans cette Cour ; mais, s’il n’y avait pas réussi, eh bien, je serais encore dans cet Orient, que j’ai trop rapidement traversé, et qui éveille au milieu de mes souvenirs les sensations les plus heureuses, les plus brillantes, les plus inoubliables que j’aie jamais éprouvées.