Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/70

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qu’elle s’était assurés, et qui la quittèrent en maudissant de tout leur cœur les ignobles pourceaux de chrétiens que la prudence les obligeait de ménager. Pour Assanoff, ayant reconduit Moreno jusqu’à leur habitation, la maison de poste, et voyant que l’heure du rendez-vous était à peu près arrivée, il se hâta et courut se placer contre la porte des danseuses, sans donner d’ailleurs aucun signe de vie, ainsi qu’Omm-Djéhâne le lui avait recommandé.

La rue était déserte et complètement silencieuse, la nuit sombre ; il s’en fallait de trois heures environ que l’aube ne pointât. On était au commencement de septembre. Il avait plu dans la journée ; il ne faisait pas chaud. Mais l’attente fut courte. Assanoff, qui était tout oreilles, entendit marcher dans la maison ; l’huis s’entr’ouvrit doucement. On demanda tout bas :

— Êtes-vous là ?

Il passa le bras à travers la fente de la porte, saisit une main qui s’avançait et répondit :

— Sans doute ! Comment n’y serais-je pas ? Suis-je une bête !

Omm-Djéhâne attira l’officier dans l’intérieur et referma le battant sans bruit comme elle l’avait ouvert ; puis, précédant son hôte, elle traversa à la hâte la petite cour centrale du logis, d’où ils entrèrent dans la salle principale. Là, se trouvaient des divans contre les murs, quelques chaises et une table sur laquelle brûlait une lampe.