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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/81

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Et se relevant tout à coup, il parcourut la chambre à grands pas, livré à un accès de frénésie. Puis il s’arrêta devant Omm-Djéhâne, la regarda fixement, lui prit les deux mains et lui dit :

— Tu es vraiment très-jolie, je t’aime de tout mon cœur, et je t’épouserai, parole d’honneur ? Nous aurons des têtes de Russes sur la table au festin des noces, cela t’arrange-t-il ?

— Beaucoup ; et, par tête, mille baisers !

— Tu sais le français ?

— Oui, je le sais !

— Tant mieux ! Cela nous distraira de le parler quelquefois.

— Mourad, fils d’Hassan-Bey, quelle honte ! oublie pour jamais toutes ces infamies ?

— Tu as raison ! Je suis un tatar et rien autre, et je ne veux être que ça, et puissé-je être mis en dix mille morceaux, si nos enfants ne sont des Musulmans parfaits ! Mais c’est assez raisonner ! Voici ce qui reste à faire : je vais te quitter parce que le jour arrive. À midi, viens me trouver à la maison de poste. Là, je t’habillerai comme mon ordonnance. Nous partons à une heure dans un grand tarantass qu’on m’a prêté ; nous filons rapidement ; à six lieues d’ici, nous quittons la route, et bonsoir ! Les Russes ne te reverront jamais ici ; moi, ils ne me regarderont que le sabre à la main !

Omm-Djéhanne se jeta dans ses bras. Ils s’embrassèrent, et Assanoff sortit.