Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/84

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salons, tu médites de faire une manière de sauvage grossier, bon à fusiller au coin d’un bois.

— Tu oublies que mon père était un sauvage grossier, et que, précisément, il a été fusillé comme tu te dis.

— Mon pauvre ami, je serais désolé de t’affliger ; mais, puisque ton père a eu cette fin-là, qui n’est pas enviable, tu dois n’y pas aboutir de ton plein gré. Voyons, Assanoff, soyons raisonnables, si nous pouvons ! Ton père a été un sauvage ? Eh bien ! toi, tu n’en es pas un. Où est le mal ? Les hommes ne peuvent cependant pas, de génération en génération, se ressembler tous. Veux-tu que je te dise l’effet que tu me produis ?

— Parle franchement.

— Tu me donnes envie de rire, parce que, si tu continues, tu seras ridicule.

L’ingénieur rougit profondément, la peur de devenir ridicule le bouleversa. Cependant il tint bon :

— Mon cher ami, Omm-Djéhâne va arriver tout à l’heure. Tu penses que je ne la renverrai pas. D’autre part, me trahiras-tu ? Ridicule ou non, le vin est tiré, il faut le boire.

Là-dessus il s’assit, se mit à siffler et se versa un verre d’eau-de-vie d’un carafon qui se trouva à sa portée.

Moreno comprit qu’il ne fallait pas le buter. Il cessa donc d’insister, et s’occupa de sa toilette du matin pres-