à se tenir les côtes. Je ne sais cependant par quel caprice cette preuve de froideur parut ou insuffisante ou bizarre à messire Foscari, généralement peu jaloux ; il demanda des preuves, et la Vénitienne promit de lui en donner.
Effectivement, le lendemain, l’abbé Corybante entra dans la chambre de Matteo avec la répugnance d’un chien qu’on fouette : métaphore vulgaire, mais frappante d’exactitude. Il dit à son ami d’un air lugubre :
— Matteo, je viens vous annoncer une bien bonne nouvelle.
— Laquelle, l’abbé ? dit le jeune acteur.
— il m’est permis de vous dire le nom du masque.
— Ah ! parlez, parlez vite !
— C’est…
— La marchande de soieries ?
— Non.
— Parlez donc !
— C’est la signora Rosetta Tiepolo.
— La pupille de la République, qui demeure sur le grand canal, dans ce palais bâti par le Sansovino ? Impossible !
Matteo était anéanti. L’abbé prit une prise de tabac.
— Très possible, plus que possible : c’est vrai. Ce soir, à minuit, elle vous attend à une fenêtre basse ; vous lui parlerez de votre gondole.
— Que de bonheurs ! que de bonheurs ! s’écria l’amant en frappant des mains avec frénésie ; et je