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beauté de la patricienne était pour lui quelque chose de céleste qu’un regard, pensait-il, pourrait peut-être profaner. Il s’élança cependant hors de la gondole, et se tint debout, les deux pieds sur une pierre sculptée qui ressortait de la muraille, de telle sorte que, la tête au niveau de la fenêtre, il appuyait son bras sur le tapis de Perse qu’on y avait étalé. Il était rouge, embarrassé, ému, heureux enfin !

Rosetta lui dit :

— Quand débutez-vous ?

— Demain soir, madame.

— Le cœur vous tremble-t-il ?

— Ah ! jugez-en, mon amour !… (et il se reprit modestement), ma vie est attachée à cette gloire. Sans elle, je perds tout et je deviens indigne à jamais !…

— Je voudrais bien entendre quelque chose de cet opéra nouveau ?

— Je vais chanter, dit-il avec une simplicité pleine de douceur.

Et, se redressant avec une sorte d’inspiration noble et calme, il livra au vent cette cavatine passionnée :

Morir per te non mi doglie…

On assure que le célèbre Marchesi la regardait comme un chef-d’œuvre.

L’oncle Tiepolo, le chevalier Foscari et Cattarina, qui étaient dans le salon, furent quasi attendris