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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/84

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— Plût au Ciel que le comte fût ici ! répondit en sanglotant la voix bien connue du désolé Corybante : je ne serais pas aussi compromis.

Matteo, stupéfait, détacha une des lanternes de la chaise de poste, regarda dans l’intérieur ; et il n’y vit que dona Paula, qui descendit gaiement le marchepied en s’aidant de sa main, et M. Corybante tout en larmes. Voici ce qui était arrivé : le comte Foscari avait fait préparer sa voiture, dona Paula s’était mise en disposition de partir, et, au moment fatal, craignant que son précepteur ne trahît le secret de sa fuite, elle s’était résolue à l’emmener. En vain celui-ci, épouvanté, avait-il protesté contre cette décision, la jeune fille n’avait voulu rien entendre ; elle l’avait fort maltraité et, le menant elle-même à sa chambre, à travers les corridors déserts, elle l’avait forcé de faire son paquet devant elle, tandis que Foscari achevait ses préparatifs. C’est ainsi qu’elle découvrit un secret que Corybante lui avait toujours soigneusement caché. Il avait de l’argent, le rusé ; il avait même quelques milliers de livres ; jamais il n’en avait soufflé mot et s’en était même donné de garde, sachant fort bien l’humeur de son écolière. Mais cette prudence ne le sauva point. Dona Paula bâtit un nouveau projet sur cette découverte. Elle ne se faisait enlever par le comte que pour pouvoir gagner sa liberté ; elle trouvait beaucoup plus commode de se passer d’un compagnon auquel, après tout, le pouvoir de la régenter pouvait échoir. Elle ramena Corybante dans son propre appartement