Aller au contenu

Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le cocher violemment interpellé s’arrêta, la portière s’ouvrit et le gros Tartaglia, oui Tartaglia lui-même, la tête et le corps soigneusement enveloppés contre les froids nocturnes, tomba dans les bras de ses camarades. Cette nouvelle péripétie fit à tout le monde le plus vif plaisir ; dona Paula elle-même, comprenant ce qui se passait, se joignit à la satisfaction générale et, avec la légèreté de caractère qui s’alliait chez elle à l’entêtement, elle ne montra aucune envie de presser sa fuite. Tartaglia raconta en peu de mots à ses collègues ce qui lui était arrivé. D’abord jeté en prison pour dettes, par les soins de la marquise Bernardina, le chagrin et l’ennui l’avaient fait considérablement maigrir. La seule consolation qu’il eût dans son malheur, c’était d’écrire sur grand papier vélin, en écriture moulée, de lamentables placets au grand-duc. Pendant dix jours, il n’avait reçu aucune réponse et tous les jours il expédiait une nouvelle requête. Enfin, un matin, un valet de chambre était venu le chercher, en lui annonçant que toutes ses dettes étaient payées, ainsi que celles de ses camarades, puis il l’avait conduit chez Son Altesse. Le prince lui avait fait le meilleur accueil, et il avait pu comprendre aisément que la marquise était en complète disgrâce, ce dont il s’était réjoui. Après quoi, le grand-duc l’avait chargé d’inviter ses camarades à revenir et lui avait fait remettre dix mille livres, tant comme dédommagement que comme marque de sa faveur.

— Pendant vingt-quatre heures, ajouta Tartaglia,