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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/88

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partit au galop… Pour nos amis… Mais je pense qu’il est bon d’en finir avec l’histoire de dona Paula, d’autant plus que nous n’aurons plus occasion de la retrouver sous les pas triomphants de Scaramouche.

Quand sa mère, pour une modique somme, l’avait livrée à don Geronimo Torrevermiglia, la jeune bohémienne n’avait ressenti de douleur que pour la perte de sa liberté. Les entraves que la civilisation lui imposait lui devinrent bientôt insupportables, et elle s’était décidée à tout risquer pour les rompre. Mais, si le devoir et la contrainte ne pouvaient convenir à cette nature déjà imprégnée des goûts de la vie sauvage, les jouissances du luxe l’avaient bien vite conquise et, à son insu, elle ne pouvait même plus s’en passer. Elle partait du château de son oncle, en faisant avec elle-même un compromis qu’elle n’analysait pas. "Tant que j’aurai de l’argent, se disait-elle, je mènerai joyeuse vie ; quand tout me manquera, je rejoindrai ma tribu et je vivrai comme elle."

Bientôt les ressources de Corybante furent dévorées ; dans la compagnie assez délurée où Paula se lança bientôt, elle trouva des adorateurs ; sans goût et sans plaisir, sans amour de l’argent, elle céda, pour éloigner le terme qu’elle avait fixé à sa réunion avec sa famille. Enfin arrivée à trente ans, la vieillesse précoce, ordinaire à sa race, flétrit sa beauté ; elle sentit que l’insolence et la rudesse de ses manières allaient manquer de ce qui les faisait adorer ; elle se résolut, ruinée d’ailleurs