Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/173

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avancé avec raison que, loin d’être une frontière, les fleuves étaient les grandes routes naturelles des nations ! Quel jugement porterons-nous donc de la mer, le plus immense de tous les fleuves, et de l’Amérique, assez heureuse pour voir ses rivages enveloppés de toutes parts par cette grande voie naturelle ? »

Ici un murmure flatteur salua l’exorde. Harrison continua d’une voix plus haute :

« N’en doutez pas ! C’est par la mer que le monde sera régénéré, et c’est l’Amérique qui fera l’aumône d’un peu de sa force, d’un peu de sa vertu, d’un peu de son génie, d’un peu de sa richesse à ce vieux monde souffreteux, et particulièrement à cette misérable Europe, accablée en ce moment sous le fardeau de son ignorance, de sa misère, de son asservissement ! »

L’enthousiasme devint énorme ; les huit fils avaient les yeux hors de la tête et buvaient coup sur coup, les six filles étaient rouges comme des petits coqs, et M. Georges Barton approuvait en grommelant de la façon la plus encourageante. Quant à madame Harrison, elle porta mélancoliquement la main à sa joue