Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/195

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souffrance si cruelle. Il le porta sur le lit, le soigna par le punch, par le jambon cru, par le poisson cru, par la pomme de terre, et finit par laisser dormir le patient.

Comme si le temps eût été à ses ordres, le vent désiré se maintint pendant les trois jours. Peu à peu tout se calma, la pluie ne tomba plus continuellement, il y eut des éclaircies ; mais généralement une brume blanchâtre flottait sur les eaux troublées du golfe Saint-Laurent, et les côtes de la Grande-Terre étaient plus ou moins voilées dans le brouillard. Comme la goélette ne s’en tenait pas loin, on voyait défiler les grèves stériles, les bois de sapins sans grandeur, la verdure ruisselante d’eau, les roches moussues. Ce n’était pas beau, mais très sauvage. Charles s’ennuyait à cœur joie, et regrettait de toute son âme l’idée qu’il avait eue de se singulariser d’une façon si désagréable. Il maudissait son père qui l’avait fait partir, ses amis qui l’avaient félicité de son plan, et Coralie, cause première de son malheur ; puis il s’endormait.

Le huitième jour, à quatre heures du matin, Georges Barton le réveilla.