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aux merveilles intellectuelles des civilisations étrangères, en est une preuve surabondante.

Parlant maintenant du raffinement des mœurs, il est de toute évidence que nous y sommes primés de tous côtés. Nous le sommes par notre propre passé, où il se trouve des moments pendant lesquels le luxe, la délicatesse des habitudes et la somptuosité de la vie étaient compris d’une manière infiniment plus dispendieuse, plus exigeante et plus large que de nos jours, À la vérité, les jouissances étaient moins généralisées. Ce qu’on appelle bien-être n’appartenait comparativement qu’à peu de monde. Je le crois : mais, s’il faut admettre, fait incontestable, que l’élégance des mœurs élève autant l’esprit des multitudes spectatrices qu’elle ennoblit l’existence des individus favorisés, et qu’elle répand sur tout le pays dans lequel elle s’exerce un vernis de grandeur et de beauté, devenu le patrimoine commun, notre civilisation, essentiellement mesquine dans ses manifestations extérieures, n’est pas comparable à ses rivales.

Je terminerai ce chapitre en faisant observer que le caractère primitivement organisateur de toute civilisation est identique avec le trait le plus saillant de l’esprit de la race dominatrice ; que la civilisation s’altère, change, se transforme à mesure que cette race subit elle-même de tels effets ; que c’est dans la civilisation que se continue, pendant une durée plus ou moins longue, l’impulsion donnée par une race qui cependant a disparu, et, par conséquent, que le genre d’ordre établi dans une société est le fait qui accuse le mieux les aptitudes particulières et le degré d’élévation des peuples ; c’est le miroir le plus clair où ils puissent refléter leur individualité.

Je m’aperçois que j’ai fait une digression bien longue, et dont les ramifications se sont étendues plus loin que je ne comptais. Je ne le regrette pas trop. J’ai pu émettre, à cette occasion, certaines idées qui devaient nécessairement passer sous les yeux du lecteur. Cependant il est temps que je rentre dans le courant naturel de mes déductions. La série est encore loin d’être complète.

J’ai posé d’abord cette vérité, que la vie ou la mort des sociétés