Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/149

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une seule espèce ; il y en a trois, quatre, et davantage, d’où sont issues des générations parfaitement distinctes, qui, par leurs mélanges, ont formé des hybrides.

Pour appuyer cette théorie, on s’empare assez aisément de la conviction commune en plaçant sous les yeux du critique les dissemblances évidentes, claires, frappantes des groupes humains. Lorsque l’observateur se voit mettre en face d’un sujet à carnation jaunâtre, à barbe et cheveux rares, à masque large, à crâne pyramidal, aux yeux fortement obliques, à la peau des paupières si étroitement tendue vers l’angle externe que l’œil s’ouvre à peine, à la stature assez humble et aux membres lourds (1)[1], cet observateur reconnaît un type bien caractérisé, bien marqué, et dont il est certainement facile de garder les principaux traits dans la mémoire.

Un autre individu paraît : c’est un nègre de la côte occidentale d’Afrique, grand, d’aspect vigoureux, aux membres lourds, avec une tendance marquée à l’obésité (2)[2]. La couleur n’est plus jaunâtre, mais entièrement noire ; les cheveux ne sont plus rares et effilés, mais, au contraire, épais, grossiers, laineux et poussant avec exubérance ; la mâchoire inférieure avance en saillie, le crâne affecte cette forme que l’on a appelée prognathe, et quant à la stature, elle n’est pas moins particulière. « Les os longs sont déjetés en dehors, le tibia et le péroné sont, en avant, plus convexes que chez les Européens, les mollets sont très hauts et atteignent jusqu’au jarret ; les pieds sont très plats, et le calcanéum, au lieu d’être arqué, se continue presque en ligne droite avec les autres os du pied, qui est remarquablement large. La main présente aussi, dans sa disposition générale, quelque chose d’analogue (3)[3]. »

Quand l’œil s’est fixé un instant sur un individu ainsi conformé, l’esprit se rappelle involontairement la structure du singe et se sent enclin à admettre que les races nègres de l’Afrique occidentale sont sorties d’une souche qui n’a rien de

  1. Prichard, Histoire nat. de l'homme, t. I, p 133, 146, 192.
  2. Id., ibid, t. I, p 108, 134, 174.
  3. Id., ibid, passim.