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précisément l’ancien et mystérieux domaine où vivaient encore à cette époque, de nombreuses nations germaniques (1)[1]. Circonstance assez singulière : aussitôt que les écrivains de l’Orient commencent à parler des peuples du Turkestan, c’est pour vanter la beauté de leur taille et de leur visage (2)[2]. Toutes les hyperboles leur sont, à ce sujet, familières, et comme ces écrivains avaient, sous les yeux, pour leur servir de point de comparaison, les plus beaux types de l’ancien monde, il n’est pas très probable qu’ils se soient enthousiasmés à l’aspect de créatures aussi incontestablement laides et repoussantes que le sont d’ordinaire les individus de sang mongol. Ainsi, malgré la linguistique, peut-être mal appliquée (3)[3], il y aurait là quelque chose à dire. Admettons pourtant que les Oghouzes de l’Altaï aient été, comme on le suppose, un peuple finnois,

  1. (1) Ritter, Erdkunde, Asien, t. I, p. 433 et passim., p. 1115, etc. Tassen, Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t, II, p. 65 ; Benfey, Encyclopædie de Ersch et Gruber. Indien, p. 12. M. le baron Alexandre de Humboldt, en parlant de ce fait, le signale comme une des découvertes les plus importantes de nos temps. (Asie centrale, t. II, p, 639.) Au point de vue des sciences historiques, rien n’est plus vrai.
  2. (2) Nouschirwan, dont le règne tombe dans la première moitié du sixième siècle de notre ère, épousa Schahrouz, fille du Khakan des Turcs. C’était la plus belle personne de son temps. (Haneberg, Zeitsch f. d. K. des Morgen I., t. I, p. 187.) Le Schahnameh fournit beaucoup de faits du même genre.
  3. (3) De même que les Scythes, peuples mongols, avaient accepté une langue ariane, il n’y aurait rien de surprenant à ce que les Oghouzes fussent une nation ariane, tout en parlant un idiome finnois ; et cette hypothèse est singulièrement appuyée par une phrase naïve du voyageur Rubruquis, envoyé par saint Louis auprès du souverain des Mongols : « Je fus frappé, dit ce bon moine, de la ressemblance du prince avec feu M. Jean de Beaumont, dont le teint coloré avait la même fraîcheur. » M. le baron Alexandre de Humboldt, intéressé, à bon droit, par cette remarque, ajoute avec non moins de sens : « Cette observation physionomique mérite quelque attention, si l’on se rappelle que la famille de Tchinguiz était vraisemblablement de race turque non mongole. » Et poursuivant cette donnée, le judicieux érudit corrobore le résultat par ces mots : « L’absence des traits mongols frappe aussi dans les portraits que nous possédons des Baburides, dominateurs de l’Inde. » (Asie centrale, t. I, p. 248 et note.)