Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/188

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aurait eu de divinités que dans les eaux et les plaines. Je suis donc induit à admettre l’idée contraire, et à supposer que les terrains découverts et plats ont été les témoins des premiers pas de l’homme. Du reste, c’est la notion biblique (1)[1], et du moment où le premier séjour se trouve ainsi établi, les difficultés des migrations sont sensiblement diminuées ; car les terrains plats, généralement coupés par des fleuves, aboutissent à des mers, et il n’est plus besoin de se préoccuper de la traversée bien autrement difficile des forêts, des déserts et des grands marécages.

Il y a deux genres de migrations : les unes volontaires ; de celles-là il ne saurait être question dans les âges tout à fait génésiaques. Les autres sont imprévues et plus possibles et plus probables encore chez des sauvages imprudents, maladroits, que chez des nations perfectionnées. Il suffit d’une famille embarquée sur un radeau qui dérive, de quelques malheureux surpris par une irruption de la mer, cramponnés à des troncs d’arbres et saisis par les courants, pour donner la raison d’une transplantation lointaine. Plus l’homme est faible, plus il est le jouet des forces inorganiques. Moins il a d’expérience, plus il obéit en esclave à des accidents qu’il n’a pas su prévoir et qu’il ne peut éviter. On connaît des exemples frappants de la facilité avec laquelle des êtres de notre espèce peuvent être transportés, malgré eux, à des distances considérables. Ainsi l’on raconte qu’en 1696, deux pirogues d’Ancorso, montées d’une trentaine de sauvages, hommes et femmes, furent saisies par le mauvais temps, et, après avoir vogué quelque temps à la dérive, arrivèrent enfin à l’une des îles Philippines, Samal, distante de trois cents lieues du point d’où les pirogues étaient parties. Autre exemple : Quatre naturels d’Ulea, se trouvant dans un canot, furent emportés par

  1. (1) (1) Gen. II, 8 et passim : « Plantaverat autem Dominus Deus paradisum voluptatis a principio, in quo posuit hominem quem formaverat. — 10. Et fluvius egrediebatur de loco voluptatis, ad irrigandum paradisum. — 15. Tulit ergo Dominus Deus hominem, et posuit eum in paradiso voluptatis, ut operaretur et custodiret illum. »