Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/220

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Chérokees ne seraient jamais tombés dans la barbarie, et, quant aux autres peuplades moins bien douées, elles ne me représentent que le fond de la population étrangère, conquise, vaincue, agglomérée de force, sur laquelle reposait jadis l’état social. Dès lors, il n’est pas étonnant que ces détritus sociaux aient conservé, sans les comprendre, des habitudes, des lois, des rites combinés par plus habile qu’eux, et dont ils n’ont jamais su la portée et le secret, n’y devinant rien de plus qu’un objet de superstitieux respect. Ce raisonnement s’applique à la perpétuité des débris d’arts mécaniques. Les procédés qu’on y admire peuvent provenir primitivement d’une race d’élite depuis longtemps disparue. Quelquefois aussi la source en remonte plus loin. Ainsi, pour ce qui concerne l’exploitation des mines chez les Ibères, les Aquitains et les Bretons des îles Cassitérides, le secret de cette science était dans la haute Asie, d’où les ancêtres des populations occidentales l’avaient jadis apporté dans leur émigration.

Les habitants des Carolines sont les insulaires à peu près les plus intéressants de la Polynésie. Leurs métiers à tisser, leurs barques sculptées, leur goût pour la navigation et le commerce tracent entre eux et les nègres pélagiens une ligne profonde de démarcation. L’on découvre sans peine d’où leur viennent leurs talents. Ils les doivent au sang malais infusé dans leurs veines, et comme, en même temps, ce sang est loin d’être pur, les dons ethniques n’ont pu que se conserver parmi eux sans fructifier et en se dégradant.

Ainsi, de ce que chez un peuple barbare il existe des traces de civilisation, il n’est pas prouvé par là que ce peuple ait jamais été civilisé. Il a vécu sous la domination d’une tribu parente et supérieure, ou bien, se trouvant dans son voisinage, il a humblement et faiblement profité de ses leçons. Les races aujourd’hui sauvages l’ont toujours été, et, à raisonner par analogie, on est tout à fait en droit de conclure qu’elles continueront à l’être jusqu’au jour où elles disparaîtront.

Ce résultat est inévitable aussitôt que deux types, entre lesquels il n’existe aucune parenté, se trouvent dans un contact actif, et je n’en connais pas de meilleure démonstration que le