Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/23

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Lysandre et Caton fussent d’assez méchantes gens ; il fallut en convenir après réflexion et, en conséquence, si on s’avisait de louer la vertu chez un peuple et de dénoncer avec indignation le vice chez un autre, on se vit obligé de reconnaître et d’avouer tout haut qu’il ne s’agissait pas là de mérites et de démérites intéressant la conscience chrétienne, mais bien de certaines aptitudes, de certaines puissances actives de l’âme et même du corps, déterminant ou paralysant le développement de la vie dans les nations, ce qui conduisit à se demander pourquoi l’une de celles-ci pouvait ce que l’autre ne pouvait pas, et ainsi on se trouva induit à avouer que c’était un fait résultant de la race.

Pendant quelque temps on se contenta de cette déclaration à laquelle on ne savait comment donner la précision nécessaire. C’était un mot creux, c’était une phrase, et aucune époque ne s’est jamais payée de phrases et n’en a eu le goût comme celle d’à présent. Une sorte d’obscurité translucide qui émane ordinairement des mots inexpliqués était projetée ici par les études physiologiques et suffisait, ou, du moins, on voulut quelque temps encore s’en contenter. D’ailleurs, on avait un peu peur de ce qui allait suivre. On sentait que si la valeur intrinsèque d’un peuple dérive de son origine, il fallait restreindre, peut-être supprimer tout ce qu’on appelle Égalité et, en outre, un peuple grand ou misérable ne serait donc ni à louer, ni à blâmer. Il en serait comme de la valeur relative de l’or et du cuivre. On reculait devant de tels aveux.

Fallait-il admettre, en ces jours de passion enfantine pour l’égalité, qu’une hiérarchie si peu démocratique existât parmi les fils d’Adam ? combien de dogmes, aussi