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Elle réside dans la proportion différente des éléments celtique, romain et germanique qui ont constitué ou constituent encore notre nationalité. En deçà de la Seine, le dialecte picard est, par l’eurythmie et la lexicologie, tout près du flamand, dont les affinités germaniques sont si évidentes qu’il n’est pas besoin de les relever. En cela, le flamand est resté fidèle aux prédilections de la langue d’oïl, qui put, à un certain moment, sans cesser d’être elle-même, admettre, dans les vers d’un poème, les formes et les expressions presque pures du langage parlé à Arras (1)[1].

À mesure qu’on s’avance au delà de la Seine et en deçà de la Loire, les idiomes provinciaux tiennent, de plus en plus, de la nature celtique. Dans le bourguignon, dans les dialectes du Pays de Vaud et de la Savoie, la lexicologie même, chose bien digne de remarque, en a gardé de nombreuses traces, qui ne se trouvent pas dans le français, où généralement le latin rustique domine (2)[2].

Je relevais ailleurs (3)[3] comment, à dater du XVe siècle, l’influence du nord de la France avait cédé devant la prépondérance croissante des races d’outre-Loire. Il n’y a qu’à rapprocher ce que je dis ici, touchant le langage, de ce qu’alors je disais du sang, pour voir combien est serrée la relation entre l’élément physique et l’instrument phonétique de l’individualité d’une population (4)[4].

Je me suis un peu étendu sur un fait particulier à la France. Si l’on veut le généraliser à toute l’Europe, on ne lui trouvera guère de démentis. Partout on verra que les modifications et les

  1. (1) P. Pâris, Garin le Loherain, préface.
  2. (2) Il est toutefois à remarquer que l’accent vaudois et savoyard a quelque chose de méridional qui rappelle fortement la colonie d’Aventicum.
  3. (3) Voir p. 70.
  4. (4) Pott exprime très bien comment les dialectes sont les modifications parlées qui maintiennent l’accord entre l’état de composition du sang et celui de la langue, lorsqu’il dit : « Les dialectes sont la diversité dans l’unité, les sections chromatiques de l’Un primordial et de la lumière unicolore. » (Pott, Encycl. Erchs. und Grüber, p. 66.) – C’est, sans doute, une phraséologie obscure ; mais ici elle indique assez ce qu’elle entend.