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Revenant aux peuples noirs, je me demande quelles sont les marques de leur nature, les marques semblables qu’ils ont portées dans les deux civilisations d’Assyrie et d’Égypte. La réponse est évidente. Elle ressort de faits qui prennent la conviction par les yeux.

Nul doute que ce ne soit ce goût frappant des choses de l’imagination, cette passion véhémente de tout ce qui pouvait mettre en jeu les partie de l’intelligence les plus faciles à enflammer, cette dévotion à tout ce qui tombe sous les sens, et, finalement, ce dévouement à un matérialisme qui, pour être orné, paré, ennobli, n’en était que plus entier. Voilà ce qui unit les deux civilisations primordiales de l’Occident. L’on rencontre, dans l’une comme dans l’autre, les conséquences d’une pareille entente. Chez toutes deux, les grands monuments, chez toutes deux, les arts de la représentation de l’homme et des animaux, la peinture, la sculpture prodiguées dans les temples et les palais, et évidemment chéries par les populations. On y remarque encore l’amour égal des ajustements magnifiques, des harems somptueux, les femmes confiées aux eunuques, la passion du repos, le croissant dégoût de la guerre et de ses travaux, et enfin les mêmes doctrines de gouvernement : un despotisme tantôt hiératique, tantôt royal, tantôt nobiliaire, toujours sans limites, l’orgueil délirant dans les hautes classes, l’abjection effrénée dans les basses. Les arts et la poésie devaient être et furent, en effet, l’expression la plus apparente, la plus réelle, la plus constante de ces époques et de ces lieux.

Dans la poésie règne l’abandon complet de l’âme aux influences extérieures. J’en veux, pour preuve, ramassée au hasard, cette espèce de lamentation phénicienne à la mémoire de Southoul, fille de Kabirchis, gravée à Eryx sur son tombeau :

« Les montagnes d’Eryx gémissent. C’est partout le son des cithares et les chants, et la plainte des harpes dans l’assemblée de la maison de Mécamosch.

« Son peuple a-t-il encore sa pareille ? Sa magnificence était comme un torrent de feu.